Yvon Le Maho illustre par son intervention quels sont les grands enjeux scientifiques des régions polaires et comment ils ont été et sont à l’origine d’avancées technologiques innovantes.
Il évoque ainsi la mortalité des manchots adélies sur la Péninsule Antarctique, liée à des diminutions importantes de la disponibilité en krill, base de la nourriture de ces animaux. A l’inverse, les manchots papous qui ne se nourrissent pas de krill ont vu leurs populations croître.
Il fait également état d’une découverte récente qui démontre que l’ensemble des manchots empereurs du continent antarctique appartiennent en réalité à une seule et même population génétique, ce qui, à l’échelle de ce continent de 14 millions de km², est remarquable. Les conséquences sur la conservation de cette espèce sont importantes. Les mouvements constants de ces animaux et les échanges entre colonies minimisent d’une certaine manière les risques supportés par cette espèce. Ainsi, il semble démontré que la chute de populations de la colonie de Terre Adélie dans les années 1970 correspond à une redistribution des individus « disparus » vers deux autres colonies, proches du Glacier Mertz.
Le manchot royal joue également un rôle de sentinelle vis-à-vis des changements climatiques. Lors des années à El Nino, les zones d’alimentation du Manchot royal s’éloignent vers le sud, augmentant significativement la distance à parcourir, le temps passé et l’énergie consommée pour aller chercher la nourriture pour les poussins restés sur les colonies des îles Crozet, influençant fortement le succès reproducteur. A l’occasion de telles études, une bactérie particulière a pu être mise en évidence dans l’estomac des manchots, freinant la vitesse de digestion des aliments ingérés et permettant ainsi de nourrir le poussin plus longtemps après la pêche.
En ce qui concerne les innovations technologiques, Y. Le Maho rappelle que la France (CNRS Chizé) a été la première à poser des balises Argos sur le dos d’oiseaux sauvages (Grand Albatros) et que cette innovation a ouvert la porte à un gigantesque champ de recherches qui, jusqu’alors, était confiné aux animaux de laboratoire.
Le remplacement des bagues d’ailerons par des puces Radio-Frequency identification (RFID) chez les manchots a également été source non seulement de progrès dans la connaissance de ces oiseaux, mais aussi moyen de diminuer l’impact des études scientifiques sur ces animaux. De même, le recours à des robots pour se déplacer au sien des colonies en remplacement de l’homme pour y effectuer des mesures ou des lectures de transpondeurs RFID participe à ce même souci d’étudier la faune sauvage en minimisant les impacts du chercheur.